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... ses contemporains |
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Heinrich HEINE De tout un peu. |
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[…] Sa direction d’esprit est le fantastique, uni non pas au sentiment, mais bien à la sentimentalité : il a de grandes analogies avec Callot, Gozzi et Hoffmann. C’est ce qu’indique déjà son apparence extérieure. |
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Jules BARBEY d’AUREVILLY Berlioz. |
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Artiste énorme, cœur aux colères de Samson contre les Philistins, il ne décoléra jamais un seul jour, une seule minute de sa vie. Comment se serait-il apaisé ?… Il n’avait pas ce qui apaise. Homme sans foi de ces jours mauvais, il ne connaissait, comme les artistes de ce temps, que le Beau pour tout Dieu, le Beau qu’ils produisent… |
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Heinrich Wilhelm ERNST Lettre à Johann Friedrich Kittl, 17 décembre 1845 |
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C’est un grand homme et il mérite vraiment que tous ceux qui sont gens de progrès, s’intéressent vivement à lui. |
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Théophile GAUTIER Journal Officiel, 16 mars 1869. |
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Personne n’a eu à l’art un dévouement plus absolu et ne lui sacrifia si complètement sa vie. |
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Joseph JOACHIM Lettre à son épouse, 17 mars 1869. |
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Quel dommage qu’il n’ait pas été allemand et que sa profondeur ait été en conflit avec sa volonté de succès (un succès qu’il ne pouvait trouver dans ce Paris doucereux). Cet homme était une grande énigme.
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... ses pairs |
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Richard WAGNER Ma Vie. |
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Je compris alors la grandeur et l’énergie de cette nature d’artiste incomparable, unique au monde. |
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Charles GOUNOD Lettre à Cécile Rhoné, 10 août 1862 |
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Il y a dans Berlioz deux hommes, deux êtres ; 1° un enfant (garçon et fille) adorable de charme, de douceur, de tendresse, d’abandon naïf – 2° un être fait (homme et femme), brûlant, passionné, profond, penseur et rêveur, souvent emporté jusqu’au vertige et souvent raisonneur jusqu’à la subtilité. C’est, je crois, dans cette dualité d’organisation (si l’on peut dire) qu’il faut chercher l’explication du peu de succès de Berlioz en général, auprès de ce qu’on appelle le public. Le public ne veut pas qu’on lui demande un travail : il ne cherche pas à comprendre : il veut sentir, et sentir de suite : il n’est pas dégoûté !… Or dans Berlioz il y a souvent une contexture musicale difficilement saisissable pour le public qui revient toujours à ses moutons : Berlioz a oublié ou plutôt dédaigné de faire contrôler sa musique ; c’est là de l’or qui n’est pas monnayé ; donc il ne circule pas. Malheureusement (et c’est là le chagrin dans les arts) il faut mener sa pensée chez le tailleur avant de la montrer au public ; on ne peut pas paraître avec la forme qu’on a ; il faut se vêtir de la formule qu’on n’a pas ; alors, on est ce qu’on appelle « comme il faut » ; on est présentable, on est reçu ! – Oh honte ! Est-ce qu’on ne se décidera pas à pendre ces modistes !!! |
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Modeste MOUSSORGSKI Lettre à Vladimir Stassov, 18 octobre 1872 |
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En poésie, il existe deux colosses : le grossier Homère et le subtil Shakespeare ; en musique, il y a aussi deux colosses : Beethoven, le penseur, et Berlioz, l’ultrapenseur. |
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Ernest CHAUSSON Journal, 3 novembre 1875. |
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Mon admiration pour Berlioz est toute naturelle […]. Je sens que quand même le monde entier serait contre moi, mon admiration serait toujours la même. Et comment pourrais-je ne pas aimer cet homme qui me fait verser des larmes, qui me procure les plus douces jouissances peut-être de la Vie ? |
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Hugo WOLF Musikalische Kritiken, 1886. |
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Pauvre Berlioz, bafoué et calomnié. |
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Emmanuel CHABRIER Lettre à Georges Costallat, 17 juillet 1887. |
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Berlioz, français avant tout (il n’était pas vieux-jeu à son époque) en mettait-il de la variété, de la couleur, du rythme dans la Damnation de Faust, Romeo, l’Enfance du Christ ! – Ça manque d’unité, vous répond-on ! – Moi je réponds Merde ! |
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Camille SAINT-SAENS Portraits et Souvenirs, 1901. |
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Un paradoxe fait homme, tel fut Berlioz. S’il est une qualité qu’on ne peut refuser à ses œuvres, que ses adversaires les plus acharnés ne lui ont jamais contestée, c’est l’éclat, le coloris prodigieux de l’instrumentation. Quand on l’étudie en cherchant à se rendre compte des procédés de l’auteur, on marche d’étonnements en étonnements. Celui qui lit ses partitions sans les avoir entendues ne peut s’en faire une idée ; les instruments paraissent disposés en dépit du sens commun ; il semblerait, pour employer l’argot du métier, que cela ne dût pas sonner ; et cela sonne merveilleusement. S’il y a peut-être, çà et là, des obscurités dans le style, il n’y en a pas dans l’orchestre ; la lumière l’inonde et s’y joue comme dans les facettes d’un diamant.
Avec sa nature supérieure, il ne pouvait aimer la vulgarité, la grossièreté, la férocité, l’égoïsme qui jouent un rôle si considérable dans le monde et dont il avait été si souvent victime. On doit aimer l’humanité dont on fait partie, travailler si l’on peut à son amélioration, aider au progrès ; c’est ce que Berlioz, dans sa sphère d’activité, a fait autant que personne en ouvrant à l’art des voies nouvelles, en prêchant toute sa vie l’amour du beau et le culte des chefs-d’œuvre. |
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Jules MASSENET Discours inaugural prononcé au nom de l’Institut aux fêtes de Berlioz à Monaco, 7 mars 1903. |
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Nous devons tous à Berlioz la reconnaissance que l’on doit à un bienfaiteur, à un dispensateur de grâce et de beauté.
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Gabriel FAURE 1921. |
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On peut être réfractaire à la musique de Berlioz : on ne peut pas l’aimer à demi. |
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Gabriel PIERNE 1935. |
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Berlioz, le Berlioz de la Symphonie Fantastique, des Ouvertures de Benvenuto, du Carnaval, des fragments symphoniques de Roméo et Juliette, de la Damnation occupe une place exceptionnelle : s’il est facile de classer certains compositeurs et de déterminer quelle fut leur influence dans la Musique du XIX° siècle, Berlioz, par son tempérament, sa véhémence, l’âpreté, la fougue de ses idées, la réalisation inattendue de ses harmonies et parfois la maladresse de son écriture échappe à toute classification ; Berlioz reste et restera un isolé sublime. |
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... Emile Zola |
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« Berlioz a mis de la littérature dans son affaire. C’est l’illustrateur musical de Shakespeare, de Virgile et de Goethe. Mais quel peintre ! Le Delacroix de la musique, qui a fait flamber les sons, dans des oppositions fulgurantes de couleurs. Avec ça, la fêlure romantique au crâne, une religiosité qui l’emporte, des extases par-dessus les cimes. Mauvais constructeur d’opéra, merveilleux dans le morceau, exigeant trop parfois de l’orchestre qu’il torture, ayant poussé à l’extrême la personnalité des instruments, dont chacun pour lui représente un personnage. Ah ! ce qu’il a dit des clarinettes : "Les clarinettes sont les femmes aimées", ah ! cela m’a toujours fait couler un frisson sur la peau… ».
L’Œuvre, 1886 |
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... Romain Rolland |
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Une seule de ses œuvres […] révèle plus de génie, je ne crains pas de le dire, que toute la musique française de son siècle. Je comprendrais encore qu’on le discutât au pays de Beethoven et de Bach. Mais chez nous, qu’a-t-on à lui opposer ? Gluck fut un bien plus grand homme. Et aussi César Franck. Ils ne furent jamais des musiciens de sa taille.
Si le génie est la force créatrice, je n’en vois de cette trempe pas plus de quatre ou cinq dans le monde ; et quand j’ai nommé Beethoven, Mozart, Bach, Haendel et Wagner, je ne lui connais dans l’art musical pas un supérieur, et même pas un égal.
Musiciens d’autrefois, 1908 |
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... des compositeurs du XXe siècle |
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Albert ROUSSEL 1935. |
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L’influence de Berlioz sur la musique du XIXe siècle a été considérable. Issue du mouvement romantique qui domina la plus grande partie de ce siècle, son œuvre exerça sur les jeunes compositeurs, aussitôt après sa mort, c’est à dire au moment où l’on commença à rendre justice à son génie, une fascination qui était due autant à la puissance de sa personnalité qu’ à tout ce que cette musique apportait de nouveau dans son esprit, dans la forme de ses développements, dans la magie de son orchestration. C’est moderne, au moins jusqu’à ces derniers temps. Avec le triomphe de Wagner, plus tard avec la réaction Debussyste, l’influence de Berlioz se trouva sensiblement diminuée. Son art est d’ailleurs trop intimement lié au sort du romantisme pour qu’on puisse prédire à cette influence un renouveau qui me semble assez improbable. Berlioz n’en reste pas moins un des jalons les plus marquants dans l’histoire de la musique. Ainsi que le disait Voltaire, parlant d’un auteur beaucoup plus ancien « s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer » |
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Darius MILHAUD 1935. |
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L’influence de Berlioz a été le seul rempart capable de maintenir intacte notre tradition nationale, sensiblement compromise par les poisons affreux que Wagner a déversé sur les musiciens de sa génération. L’influence de Berlioz restera pour nous un symbole de mesure dans le romantisme, de perfection dans la forme, mis au service d’un souffle génial, véritable élément de la nature, qu’aucun excès, aucune faute de goût ne déparent. Il me semble impossible que tout esprit latin ne donne pas toute la Tétralogie pour une page des Troyens. |
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Olivier MESSIAEN |
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[…] et enfin permettez-moi de prononcer, puisqu’il s’agit d’influence, le nom de mon auteur favori, pour moi du plus grand de tous les musiciens. Je veux parler de Hector Berlioz. Je suis un des rares musiciens français à reconnaître le plus grand musicien français, et à aimer Hector Berlioz, non seulement pour La Damnation de Faust, la Symphonie fantastique, mais pour son œuvre le plus génial : je veux parler de Roméo et Juliette. |
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Antoine GOLEA Rencontres avec Olivier Messiaen, 1960. |
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[…] on parle le plus souvent de Berlioz sans connaître sa réelle importance. Je ne pense même pas, en vous disant cela, à ceux qui le détestent et qui trouvent qu’il n’a jamais su écrire de la musique, qui parlent de ses fausses basses et qui, le trouvant atteint de la maladie du gigantisme germanique, lui refusent la qualité de musicien français. Ceux-là, ce n’est même pas la peine de s’en occuper. Non, je parle de ceux qui l’aiment, qui l’admirent comme une incarnation du romantisme par exemple. Bien sûr, ils n’ont pas tort. Mais il y a aussi tout à fait autre chose dans Berlioz : un extraordinaire précurseur, un visionnaire du son, de la couleur, de l’élargissement de la palette des timbres. Il y a dans Roméo et Juliette, dans la Symphonie fantastique, dans le Requiem, des passages qui n’ont plus rien à voir avec la musique du XIXe siècle ; des passages qui sont déjà de la musique concrète… La véritable importance de Berlioz réside dans ses vues prophétiques d’une musique qui vit et croît sous nos yeux. |
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Henry BARRAUD Hector Berlioz, 1979. |
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On cherchait un musicien. On trouve un homme. Un homme si attachant que de la curiosité on passe bien vite à l’estime, et de l’estime à la tendresse. À la tendresse et à l’admiration. |
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